M Le Président,
Chers collègues,
Monsieur le Président de Ceser,
Messieurs et Mesdemoiselles les représentants du CRJ,
La situation de la jeunesse a été au coeur des débats des dernières élections régionales en Bretagne et
nous ne pouvons que nous en féliciter, tout comme nous saluons la démarche de la majorité régionale de désigner une première vice-présidence à la jeunesse.Au delà du symbole, cette vice présidence se doit aujourd'hui d'être utile aux jeunes de Bretagne. La situation de la jeunesse est inquiétante et des mesures concrètes et ambitieuses doivent être mises en oeuvre rapidement, au risque de créer encore de nouvelles désillusions. Si notre Région a aujourd'hui l'opportunité d'ouvrir la voie de dispositifs innovants à destination de la jeunesse, nous avons bien conscience que ses moyens trop limités font qu'elle ne pourra répondre que partiellement aux enjeux auxquels nous devons faire face. Nous devons donc aussi, ici, nous tourner vers les importantes échéances électorales nationales à venir. Quelque soit le regard porté sur la jeunesse, celle-ci est source de débats passionnés.
Mais qu'est ce que la jeunesse au juste ?
En matière d'intervention publique, elle est souvent, à tort, considérée comme un état naturel, défini par la tranche des 15-29 ans. Cette vision qui organise l'action publique en France depuis des années, entraine une segmentation des dispositifs, peu en phase avec la réalité des parcours de vie. Il est une autre définition, que nous faisons notre, et qui préfère considérer la jeunesse comme un processus d'émancipation, de construction des capacités à devenir un adulte mais aussi un citoyen. Ce parcours est caractérisé par les risques de ruptures liés à chaque passage aux différents stades de la vie. Avec l'explosion du chômage, la multiplication des stages, des contrats à durée déterminée, des difficultés d’accès au logement… ce parcours est aujourd'hui caractérisé par sa précarité. La précarité augmente, l'insécurité sociale se pérennise, le processus d'émancipation des citoyens de demain est mis à mal.
C’est pourtant principalement aux jeunes qu'il revient de construire l'avenir. En refusant de leur en donner les moyens, notre société hypothèque son futur. C'est pourquoi il est urgent d’agir pour permettre à la jeunesse de vivre pleinement le présent et de lui offrir les conditions d'un avenir désirable.
En matière d'emploi, de logement, d'éducation, de démocratie... les droits de la jeunesse sont bafoués. La situation des jeunes est inacceptable. Inacceptable aussi la modification récente de la loi de 1901 qui oblige désormais les mineurs de 16 à 18 ans à avoir l'autorisation de leur parents pour s'engager dans une association. Scandaleuse, la logique qui tend à infantiliser les jeunes majeurs quand dans le même temps la majorité pénale est abaissée à l'âge de 13 ans. La droite au pouvoir n'a de cesse d'amalgamer jeunesse et délinquance.
Nous le redisons, la priorité aujourd'hui est de renforcer les droits de la jeunesse pour sécuriser et faciliter son parcours vers l'indépendance.
L'émancipation voilà le mot clé. Favoriser l'autonomie et la prise de responsabilité pour garantir la réalisation des individus, tels doivent être les principaux objectifs des politiques de jeunesse. Dans une démarche d’écologie politique, accompagner n’est pas encadrer et encore moins contraindre, mais donner aux jeunes les clés indispensables à leur autonomie, leur donner la capacité d’autogestion dont ils ont besoin afin de se construire comme femmes et hommes, acteurs et citoyens de demain.
Peut être l'avons nous oubliés, nous, élu-e-s de Bretagne, nous sommes pour beaucoup d'entre nous d'anciens des mouvements de jeunesse (syndicats étudiants, Francas, JOC, Dazont, MRJC et autres mouvements d'éducation populaires...). Elle est dans ces mouvements, l'avenir de la Bretagne ; dans ce creuset formidable de construction de soi. Ceux qui viennent de ces mouvements le savent : les solutions pour donner de nouvelles perspectives à la jeunesse viendront des jeunes eux-mêmes. Mais force est de constater que leurs aspirations sont peu entendues. Comment pourrait il en être autrement lorsque la majorité des « représentants du peuple » sont des hommes, blancs, de plus de 50 ans... en deçà du seuil fatidique des 30 ans, rares sont ceux, et encore plus rares celles, qui peuvent prétendre à quelques responsabilités.
Soyons sérieux, soyons vieux.
On se demande après pourquoi l'engagement politique traditionnel ne mobilise pas les hordes de jeunes qui préfèrent rester à la maison plutôt que d'aller voter. Pour apporter des solutions concrètes et prouver à la partie de la jeunesse désillusionnée qu’elle peut reprendre en main son avenir il est nécessaire de créer les lieux du débat et de l'échange.
Nous voulons une réforme profonde de nos institutions qui permette de renouveler le paysage politique et de lui donner un nouveau souffle. Nous voulons une généralisation des scrutins proportionnels. Nous voulons un statut de l'élu qui interdise le cumul des mandats, qui facilite les passerelles entre engagement politique, vie professionnelle et études. A l'échelle de notre Région, l'élaboration de la Charte d'engagement pour la jeunesse aurait du être l'occasion d'organiser dans les lycées, dont nous avons la compétence, de véritables espaces de débats et de co-construction de ce document par les jeunes. Il n'en a rien été.
De même, la place du Conseil régional des Jeunes reste encore assez flou. Nous souhaitons pour notre part que ce Conseil soit, à terme, composé de représentant-e-s des lycéen-ne-s et apprenti-e-s bien sur, mais aussi des mouvements de jeunesse politique et d'éducation populaire, des syndicats d'étudiants et de chômeurs ; qu'il puisse disposer d'une autonomie de fonctionnement et qu'il soit consulté sur l'ensemble des politiques régionales. Mais ne nous leurrons pas, le désintérêt de la jeunesse pour la politique institutionnelle a pour cause essentielle les difficultés sociales qu'elle rencontre : sans situation stable comment prendre le temps de s'engager et de se pencher sur les problèmes de la société ?
L'emploi doit être notre première préoccupation.
De 1973 à nos jours, 38 séries de mesures différentes ont été appliquées par les gouvernements successifs. Du « pacte » de Raymond Barre au «contrat d'insertion professionnelle» (CIP) du gouvernement Balladur, puis au «contrat première embauche» (CPE) du gouvernement De Villepin, ces dispositifs ont été des échecs retentissants. Inscrits dans une logique libérale de flexibilité, ils ont favorisés la création de contrats de travail au rabais (rémunération inférieure au SMIC pour le CIP, période d'essai de deux ans pour le CPE...), renforçant ainsi la jeunesse dans sa position de variable d'ajustement économique. Le chômage des jeunes était de 25% en 1997, de 15% en 2002, il est revenu à 25% aujourd'hui. Il sera là aussi temps de tirer les conclusions de 10 ans de politiques de droite. Le chômage des jeunes est d'abord lié au chômage de masse. Une politique de l'emploi en faveur de la jeunesse est donc d'abord une politique d'emploi en faveur de l'ensemble des français. Dans ce cadre il est nécessaire de ré-enclencher les discussions sur une nouvelle réduction du temps de travail.
La question du Revenu Minimum d'Autonomie doit aussi être débattue. Les expériences le prouvent,
un dispositif de ce type permet une indépendance précoce des jeunes, favorise la fluidité des parcours
d'insertion professionnelle et sociale entre études et travail salarié, la prise d'initiative et de responsabilité, tout en offrant une couverture sociale pour la jeunesse.
Enfin, si le niveau de formation reste une protection contre le chômage, l'expérience est un atout important pour une entrée rapide et pérenne dans le monde du travail. Tous les jeunes sont confrontés
à la démoralisante mention « expérience exigée » dans la recherche de leur premier emploi. Pour permettre aux jeunes d'accéder à une première expérience professionnelle et de développer dans le même temps les filières d'avenir, comme les formes d'économie sociale et solidaire en Bretagne, nous
souhaitons que la création de nouveaux emplois tremplin, porteurs de sens, soit étudiée. Pour valoriser les acquis de l'expérience nous aurions aussi souhaité voir figurer dans la Charte d'engagement pour la jeunesse des initiatives tel le passeport engagement ou le contrat de réussite solidaire mis en oeuvre sur d'autres territoires. Nous souhaitons aussi un développement ambitieux des formations qualifiantes dans le domaine des énergies renouvelables, de l'Économie Sociale, de l'éco-habitat... pour ouvrir de nouvelles perspectives à la jeunesse.
En matière de droit au logement, qui nous paraît être une autre grande priorité, il est urgent là aussi de réguler le marché immobilier tout en inventant de nouvelles formes innovantes d'accès au logement. Faciliter la primo-accession des plus modestes en relançant le modèle juridique de la coopérative HLM qui permet une accession progressive à la propriété en considérant chaque loyer versé comme un achat mensualisé du logement occupé. Définir un statut juridique de la colocation. Mode d'habitat privilégié par les jeunes qui n'est pourtant toujours pas encadrée juridiquement, au détriment des droits des colocataires. Créer un statut de coopératives d'habitants, qui permettra de proposer un nouveau type de rapport au patrimoine et un accès au logement à moindre coût. Dans ce domaine aussi notre Région doit expérimenter pour apporter des réponses rapides à la
jeunesse précarisée.
Vous auriez du aussi aller plus loin pour notre langue bretonne en trouvant des moyens afin que chaque jeune puisse avoir accès à l'apprentissage des langues de notre pays. Le développement activités périscolaires ou la formation des adultes en langue bretonne. Il est de même indispensable des langues et cultures de Bretagne est un vivier d'emplois pour les jeunes de notre région. Notre priorité est de former plus de locuteurs : en développant l’enseignement bilingue et immersif, les activités périscolaires, l’environnement quotidien favorise la pratique de la langue, y compris dans les médias et l’espace public. Dans le cadre de notre débat, nous dirons pour conclure que l'intention de la majorité régionale est bonne. Nous voterons donc la Charte d'engagement pour la jeunesse.
Mais nous ne pouvons malheureusement que regretter le manque de souffle, d'ambition, la timidité du document qui nous est proposé aujourd'hui. Je laisserais mes collègues Sylviane Rault et René Louail développer plus précisément nos critiques sur ce document, mais je tenais d'ores et déjà à dire que la méthode peu innovante et trop descendante, le manque d'actions concrètes et l'absence de budget nous amène à demander des évolutions rapides de la charte. Vous le savez, nous sommes disponibles pour apporter des propositions concrètes dans ce cadre. La situation exige l'engagement de tous.