L’inévitable réforme
territoriale
Amphi 502 – Journées d’été d’Europe Ecologie Les Verts – Poîtiers – 23 Aout
2012
Il est acté que le conseiller territorial sera supprimé avant même d’avoir
existé. Cependant, une réforme territoriale demeure nécessaire. Quelle
doit-être la bonne organisation des territoires ? La décentralisation écrit son
acte III : le fédéralisme différencié, c’est-à-dire la possibilité offerte aux
régions d’expérimenter individuellement. Cet acte doit s’accompagner de
nouvelles règles électorales, plus simples et permettant une plus grande
représentativité.
Animation : Christelle de Crémiers.
Avec : Corinne Bouchoux, sénatrice;
Stéphane Gatignon, maire de Sevran ; Yannik Bigouin, conseiller régional
Bretagne ; Mounir Satouri, Président du groupe EELV au Conseil régional
Ile-de-France, Gérard Onelta Vice-Président de la région Midi-Pyrénée et ancien eurodéputé.
Cher-e-s ami-e-s,
Cette intervention sur notre
participation à une inévitable réforme territoriale dans le cadre d’un executif
national renouvelé est le fruit du travail de la commission nationale Régions
et fédéralisme dont je tiens ici à remercier le président Tudi Kernaleguen qui
m’a conseillé et orienté. Elle est aussi le résultat de mon regard de Breton
qui vient de la commune la plus occidentale de France tout au bout du
Finistère, plus près de la Cornouaille britannique que de Paris et de mon
expérience auprès de Guy Hascoët au conseil régional de Bretagne que je tiens à
saluer ici.
Petit état des lieux sur les
injustices et les inégalités dans notre pays qui sont flagrantes. Le constat de
l’organisation institutionnelle française est implacable: avec 26 régions, 102
départements, 36571 communes et 17698 groupements de collectivités locales, le
système sur-administre et minimise la gouvernance. Ainsi le maire de Quimper a
moitié moins de moyens que celui de Neuilly-Sur-Seine pour s’occuper du même
nombre d’écoles, quand celui de Roubaix en a encore moitié moins que celui de
Quimper… L’Île de France avec 18,72 %
des habitants du pays et 2,2 % du territoire détient 22,5 % des emplois, 29,3 %
des richesses, 30,2 % des investissements de l’Etat, 40 ,5 % des cadres
supérieurs, 56 % des crédits du ministère de la culture, 90 % des sièges
sociaux et 96 % des marchées boursiers et concentre 59 % de la recherche et des
crédits nationaux qui s’y rapportent, mais cela n’a jamais ému les émules
bonapartistes de notre République. Personne ne trouve anormal que l’Ile de
France, pendant longtemps, se soit fait payer son métro et ses trains de banlieue
par tous les Français ? Le principe qui s’exerce alors est le contraire de
la solidarité.
La métropolisation s’accélère
par le grand Paris dont mes camarades vont parler après moi. Il va couter je ne sais combien de milliards
alors que beaucoup de Français aimeraient déjà faire du Montpellier-Toulouse-Bordeaux ou du Rennes-Nantes -Clermont- Lyon en TGV sans être
obligé de passer par Paris !
La France égalitaire est une recherche, ce
n’est pas une réalité. La France de l’équité est une exigence. Elle ne peut
exister qu’à la condition de rétablir de juste dispositifs d’intervention
tenant compte des écarts. L’Union européenne avec ses fonds d’interventions
territoriaux, le fait depuis plus de vingt ans, en France comme ailleurs, mais
notre puissante administration ne saurait y parvenir. Nous avons des villes
avec trois médecins pour mille habitants et des quartiers ou des bouts de ville
de cinq à dix mille habitants sans l’ombre d’un médecin généraliste. Reconnaitre la France comme multiple ne
signifie pas la fin de l’Etat-nation. Elle en est le prolongement modernisé. Il
va donc falloir apprendre à compenser ces situations et arrêter de permettre à
ceux qui ont de gros potentiels fiscaux de lever peu d’impôts, au détriment de
ceux qui sont obligés pour couvrir les même services de base, d’imposer
infiniment plus. Nous visons en effet dans une hypocrisie : pourquoi certains
territoires départementaux ou régionaux ont 40 % de fonctionnaires de moins que
la moyenne nationale pour réaliser les mêmes services publics, à population
comparable. En réalité nous sommes incapable dans ce pays de détricoter les
traditions bonapartistes, de nous défaire des approches corporatistes, héritage amer du pétainisme. Bien
des choses ont été écrites sur l’incapacité de l’Etat à se réformer et sur la
« société bloquée » analysée depuis des lustres déjà par Michel
Crozier (La Société bloquée Paris Le Seuil 1971). Mais cela n’a été d’aucun
effet pour encourager des réponses et des réformes salutaires dans le mode de
fonctionnement de l’Etat. Pourtant, s’il faut en croire Nicolas Tenzer,
chef du service de l’évaluation et de la modernisation de l’Etat au
commissariat général au Plan, dans le Monde du 24 Octobre 2000 : ce n’est pas
la société française qui est bloquée, ce sont les corps de direction qui
bloquent la société. Alors osons revoir
la boîte à outils et changer d’institutions. Pour cela il faut savoir
s’inspirer des modèles voisins quand ils sont bons. Profondément traumatisée,
la République fédérale d’Allemagne a su,
elle, se doter après guerre
d’institutions remarquables avec les Landers puissants. L’Espagne a donnée a
ses territoires une large autonomie pour certaines, la dévolution britannique a
permis au pays de galles ou à l’Ecosse une réelle transition industrielle. Et
pourtant, nos régions, en France, restent des nains politiques. Pour un
dialogue commun entre territoires européens nous ne parlons ainsi pas le même
langage. Pourtant l’Europe sait donner
une vraie place aux régions dans la gestion des fonds européens excepté en France ou tout passe, ou presque, par les griffes de Paris.
Redonner un nouveau souffle par une
démocratie de proximité
Il faudra bien reparler du redécoupage et de la taille
des régions. Ce chantier devrait être l’occasion de rassembler tous les
départements bretons. La structure
fiscale des budgets régionaux est telle que la région ne prélève que 3 % de
l’impôt local. Si la région décidait d’une augmentation de 50 % des bases fiscales, cela aurait une incidence
réelle sur la feuille d’impôt de 1,5 %. Il est urgent de faire de la région une
grande collectivité. Elle devrait au moins disposer de la capacité d’affecter
a15 % des prélèvements effectués dans son territoire. De même, la clarté
fiscale doit être faîte sur le « qui prélève quoi ». Bref, un impôt
direct pour chaque niveau et non cet entrelacs qui permet de tout brouiller aux
yeux du citoyen.
Subsidiarité et proximité : le principe de
subsidiarité est une maxime politique et sociale selon laquelle la
responsabilité d’une a ction publique doit être alloué à la plus petite entité
capable de résoudre le problème elle-même. C’est une forme poussée de
décentralisation visant à rapprocher au maximum le pouvoir et donc la prise de
décision, du citoyen.
Péréquation et solidarité : la péréquation est le
système de transfert d’impôts entre les entités fédérés, d’une Etat fédéral (cf
les sytèmes allemands et canadiens). C’est un principe de solidarité entre les
régions riches et pauvres, qui prend le contre-pied de la logique néo-libérale
de créer des régions en concurrence les unes avec les autres.
Régionalisme et humanité : pour EELV la région est
le niveau territorial privilégie entre
le local eét le continental mais la région, tout comme les niveaux surpra et
infra, doit être basé sur une réalité vécue, humaine et non un découpage
technocratique imposé aux habitants. Ce qui compte ce sont l’histoire, la
culture, les réseaux socio-économiques, la complémentarité interne, la volonté
de vivre ensemble. On peux ainsi envisager une région Pays Basque de la taille
d’un demi-département et une région Val de Loire de la taille de 9 départements.
Alors qu’on doit rejeter sans concession l’idée technocratique d’une région
Ouest, on, doit souhaiter la réunification d’une Bretagne à cinq départements
incluant la Loire Atlantique.
Une 3ème étape de la décentralisation :
vers le fédéralisme différencié.
La 6ème république mettra en œuvre une
nouvelle organisation de l’Etat sur un mode fédéral avec un pouvoir fort aux
régions a qui seront données des compétences normatives importantes, couplées
au rétablissement d’une véritable autonomie fiscale, l’Etat garantissant de son
côté une péréquation fiscal entre régions pauvres et riches. Ce fédéralisme sera différencié dans le sens où la
distribution des compétences et des formes d’organisation territoriales
pourront varier d’une région à l’autre et qu’il sera accordé une large place à
l’expérimentation régionale (normative, fiscale, politique).
Les écologistes proposent que :
-
Le Sénat soit transformé en chambre des régions sera
la gardiens du principe de subsidiarité dans l’état fédéral. Il disposera de
pouvoirs législatifs et de contrôle spécifiques relatifs à l’organisation
territoriale de la République, s’agissant tout à la fois des règles régissant
les compétences des collectivités territoriales., des conditions de leur
autonomie normative et financière et de l’organisation de la solidarité financière
entre les territoires.
-
Les régions soient redéfinies avec pouvoirs
renforcés. Les fusions et redécoupages seront facilités. Les moyens et
compétences des régions seront augmentés
pour qu’ils deviennent comparables à celui des régions de nos voisins
européens.
-
Le conseil général soit supprimé. Ses
compétences notamment sociales seront redistribués entre la Région,
l’intercommunalité et les communes dans le cadre d’une conférence des pouvoirs
locaux qui se tiendrait dans chaque région. Le département pourra rester un
périmètre d’action des services de l’Etat comme de ceux de la région.
-
Les
intercommunalités seront transformés en collectivités de plein exercice et
l’élection de leurs membres sera assurée par les citoyens au suffrage
universel par scrutins de listes
proportionnelles. Ces nouvelles collectivités fusionneront avec les
« pays » et couvriront l’ensemble du pays. Elles deviendront
l’échelon politique intermédiaire entre entre la commune et la région. Les
compétences de celles-ci seront définies au sein de la conférence des pouvoirs
locaux avec les représentants de la région et des communes. Les conseils de
développement issus de la loi Voynet et les CESER verront leurs prérogatives
renforcées, notamment en matière de budget participatif.
- Dans le cadre d’une rénovation
démocratique, une réflexion sera menée sur le fonctionnement interne des
différentes collectivités territoriales, afin de repenser et limiter le pouvoir des
président-e-s d’exécutifs, de diminuer la prime majoritaire et de redéfinir
les droits des élu-e-s minoritaires.
Pour ce faire, une séparation totale des fonctions exécutives et
délibératives sera instaurée, Il s’agit d’une évolution essentielle pour
sortir du pouvoir quasi-absolu conféré aux maires et présidents, et de la
répartition ambiguë des responsabilités qui l’alimente.
- Les
langues régionales seront défendues. Alors que la plupart des langues “régionales”
de France sont en sérieux danger d’extinction selon l’UNESCO, la passivité
de l’État vis-à-vis de sa diversité linguistique est condamnable. Depuis
2008, l’article 75-1 de la Constitution reconnaît certes l’existence des
langues régionales, mais seulement en tant que « patrimoine », et n’a
débouché sur aucune modification législative. L’ambition des écologistes,
c’est d’une part de parvenir à une “récupération” linguistique,
c’est-à-dire la possibilité du bilinguisme dans tous les secteurs de la
vie publique et privée dans les régions historiquement concernées, et
d’autre part de permettre aux langues minoritaires parlées par les
populations issues de l’immigration et des diasporas d’être transmises en
toute dignité à leurs descendants.
Pour cela, nous prônons une réforme constitutionnelle permettant la
ratification de la Charte européenne des langues régionales et minoritaires,
de même que de la Convention-cadre pour la protection des minorités
nationales et la possibilité pour toute région de définir sa ou ses
langue(s) régionale(s) comme coofficielle(s) avec le français. Une loi
sera également votée, établissant un statut stable et ambitieux en termes
de moyens mis en œuvre. Les priorités sont le développement des langues
régionales dans l’enseignement, les médias et les relations publiques.
Merci de votre écoute.