mercredi 29 août 2012

L’inévitable réforme territoriale



L’inévitable réforme territoriale
Amphi 502 – Journées d’été d’Europe Ecologie Les Verts – Poîtiers – 23 Aout 2012
Il est acté que le conseiller territorial sera supprimé avant même d’avoir existé. Cependant, une réforme territoriale demeure nécessaire. Quelle doit-être la bonne organisation des territoires ? La décentralisation écrit son acte III : le fédéralisme différencié, c’est-à-dire la possibilité offerte aux régions d’expérimenter individuellement. Cet acte doit s’accompagner de nouvelles règles électorales, plus simples et permettant une plus grande représentativité.
Animation : Christelle de Crémiers. 
Avec : Corinne Bouchoux, sénatrice; Stéphane Gatignon, maire de Sevran ; Yannik Bigouin, conseiller régional Bretagne ; Mounir Satouri, Président du groupe EELV au Conseil régional Ile-de-France, Gérard Onelta Vice-Président de  la région Midi-Pyrénée et ancien eurodéputé.


Cher-e-s ami-e-s,

Cette intervention sur notre participation à une inévitable réforme territoriale dans le cadre d’un executif national renouvelé est le fruit du travail de la commission nationale Régions et fédéralisme dont je tiens ici à remercier le président Tudi Kernaleguen qui m’a conseillé et orienté. Elle est aussi le résultat de mon regard de Breton qui vient de la commune la plus occidentale de France tout au bout du Finistère, plus près de la Cornouaille britannique que de Paris et de mon expérience auprès de Guy Hascoët au conseil régional de Bretagne que je tiens à saluer ici.


Petit état des lieux sur les injustices et les inégalités dans notre pays qui sont flagrantes. Le constat de l’organisation institutionnelle française est implacable: avec 26 régions, 102 départements, 36571 communes et 17698 groupements de collectivités locales, le système sur-administre et minimise la gouvernance. Ainsi le maire de Quimper a moitié moins de moyens que celui de Neuilly-Sur-Seine pour s’occuper du même nombre d’écoles, quand celui de Roubaix en a encore moitié moins que celui de Quimper… L’Île de France avec 18,72  % des habitants du pays et 2,2 % du territoire détient 22,5 % des emplois, 29,3 % des richesses, 30,2 % des investissements de l’Etat, 40 ,5 % des cadres supérieurs, 56 % des crédits du ministère de la culture, 90 % des sièges sociaux et 96 % des marchées boursiers et concentre 59 % de la recherche et des crédits nationaux qui s’y rapportent, mais cela n’a jamais ému les émules bonapartistes de notre République. Personne ne trouve anormal que l’Ile de France, pendant longtemps, se soit fait payer son métro et ses trains de banlieue par tous les Français ? Le principe qui s’exerce alors est le contraire de la solidarité.

La métropolisation s’accélère par le grand Paris dont mes camarades vont parler après  moi. Il va couter je ne sais combien de milliards alors que beaucoup de Français aimeraient déjà faire du  Montpellier-Toulouse-Bordeaux ou du  Rennes-Nantes -Clermont- Lyon en TGV sans être obligé de passer par Paris !

 La France égalitaire est une recherche, ce n’est pas une réalité. La France de l’équité est une exigence. Elle ne peut exister qu’à la condition de rétablir de juste dispositifs d’intervention tenant compte des écarts. L’Union européenne avec ses fonds d’interventions territoriaux, le fait depuis plus de vingt ans, en France comme ailleurs, mais notre puissante administration ne saurait y parvenir. Nous avons des villes avec trois médecins pour mille habitants et des quartiers ou des bouts de ville de cinq à dix mille habitants sans l’ombre d’un médecin généraliste.  Reconnaitre la France comme multiple ne signifie pas la fin de l’Etat-nation. Elle en est le prolongement modernisé. Il va donc falloir apprendre à compenser ces situations et arrêter de permettre à ceux qui ont de gros potentiels fiscaux de lever peu d’impôts, au détriment de ceux qui sont obligés pour couvrir les même services de base, d’imposer infiniment plus. Nous visons en effet  dans une hypocrisie : pourquoi certains territoires départementaux ou régionaux ont 40 % de fonctionnaires de moins que la moyenne nationale pour réaliser les mêmes services publics, à population comparable. En réalité nous sommes incapable dans ce pays de détricoter les traditions bonapartistes, de nous défaire des approches  corporatistes, héritage amer du pétainisme. Bien des choses ont été écrites sur l’incapacité de l’Etat à se réformer et sur la « société bloquée » analysée depuis des lustres déjà par Michel Crozier (La Société bloquée Paris Le Seuil 1971). Mais cela n’a été d’aucun effet pour encourager des réponses et des réformes salutaires dans le mode de fonctionnement de l’Etat.  Pourtant, s’il faut en croire Nicolas Tenzer, chef du service de l’évaluation et de la modernisation de l’Etat au commissariat général au Plan, dans le Monde du 24 Octobre 2000 : ce n’est pas la société française qui est bloquée, ce sont les corps de direction qui bloquent la société.  Alors osons revoir la boîte à outils et changer d’institutions. Pour cela il faut savoir s’inspirer des modèles voisins quand ils sont bons. Profondément traumatisée, la République  fédérale d’Allemagne a su, elle,  se doter après guerre d’institutions remarquables avec les Landers puissants. L’Espagne a donnée a ses territoires une large autonomie pour certaines, la dévolution britannique a permis au pays de galles ou à l’Ecosse une réelle transition industrielle. Et pourtant, nos régions, en France, restent des nains politiques. Pour un dialogue commun entre territoires européens nous ne parlons ainsi pas le même langage. Pourtant l’Europe sait  donner une vraie place aux régions dans la gestion des fonds européens  excepté en France ou tout passe, ou presque,  par les griffes de Paris.

Redonner un nouveau souffle par une démocratie de proximité       
Il faudra bien reparler du redécoupage et de la taille des régions. Ce chantier devrait être l’occasion de rassembler tous les départements bretons.  La structure fiscale des budgets régionaux est telle que la région ne prélève que 3 % de l’impôt local. Si la région décidait d’une augmentation de 50 % des  bases fiscales, cela aurait une incidence réelle sur la feuille d’impôt de 1,5 %. Il est urgent de faire de la région une grande collectivité. Elle devrait au moins disposer de la capacité d’affecter a15 % des prélèvements effectués dans son territoire. De même, la clarté fiscale doit être faîte sur le « qui prélève quoi ». Bref, un impôt direct pour chaque niveau et non cet entrelacs qui permet de tout brouiller aux yeux du citoyen.

Subsidiarité et proximité : le principe de subsidiarité est une maxime politique et sociale selon laquelle la responsabilité d’une a ction publique doit être alloué à la plus petite entité capable de résoudre le problème elle-même. C’est une forme poussée de décentralisation visant à rapprocher au maximum le pouvoir et donc la prise de décision, du citoyen.
Péréquation et solidarité : la péréquation est le système de transfert d’impôts entre les entités fédérés, d’une Etat fédéral (cf les sytèmes allemands et canadiens). C’est un principe de solidarité entre les régions riches et pauvres, qui prend le contre-pied de la logique néo-libérale de créer des régions en concurrence les unes avec les autres.
Régionalisme et humanité : pour EELV la région est le niveau territorial  privilégie entre le local eét le continental mais la région, tout comme les niveaux surpra et infra, doit être basé sur une réalité vécue, humaine et non un découpage technocratique imposé aux habitants. Ce qui compte ce sont l’histoire, la culture, les réseaux socio-économiques, la complémentarité interne, la volonté de vivre ensemble. On peux ainsi envisager une région Pays Basque de la taille d’un demi-département et une région Val de Loire de la taille de 9 départements. Alors qu’on doit rejeter sans concession l’idée technocratique d’une région Ouest, on, doit souhaiter la réunification d’une Bretagne à cinq départements incluant la Loire Atlantique.

Une 3ème étape de la décentralisation : vers le fédéralisme différencié.
La 6ème république mettra en œuvre une nouvelle organisation de l’Etat sur un mode fédéral avec un pouvoir fort aux régions a qui seront données des compétences normatives importantes, couplées au rétablissement d’une véritable autonomie fiscale, l’Etat garantissant de son côté une péréquation fiscal entre régions pauvres et riches. Ce fédéralisme sera différencié dans le sens où la distribution des compétences et des formes d’organisation territoriales pourront varier d’une région à l’autre et qu’il sera accordé une large place à l’expérimentation régionale (normative, fiscale, politique).

Les écologistes proposent que :
-          Le Sénat soit transformé en chambre des régions sera la gardiens du principe de subsidiarité dans l’état fédéral. Il disposera de pouvoirs législatifs et de contrôle spécifiques relatifs à l’organisation territoriale de la République, s’agissant tout à la fois des règles régissant les compétences des collectivités territoriales., des conditions de leur autonomie normative et financière et de l’organisation de la solidarité financière entre les territoires.
-          Les régions soient redéfinies avec pouvoirs renforcés. Les fusions et redécoupages seront facilités. Les moyens et compétences des régions seront  augmentés pour qu’ils deviennent comparables à celui des régions de nos voisins européens.
-          Le conseil général soit supprimé. Ses compétences notamment sociales seront redistribués entre la Région, l’intercommunalité et les communes dans le cadre d’une conférence des pouvoirs locaux qui se tiendrait dans chaque région. Le département pourra rester un périmètre d’action des services de l’Etat comme de ceux de la région.

-          Les intercommunalités seront transformés en collectivités de plein exercice et l’élection de leurs membres sera assurée par les citoyens au suffrage universel  par scrutins de listes proportionnelles. Ces nouvelles collectivités fusionneront avec les « pays » et couvriront l’ensemble du pays. Elles deviendront l’échelon politique intermédiaire entre entre la commune et la région. Les compétences de celles-ci seront définies au sein de la conférence des pouvoirs locaux avec les représentants de la région et des communes. Les conseils de développement issus de la loi Voynet et les CESER verront leurs prérogatives renforcées, notamment en matière de budget participatif.  

- Dans le cadre d’une rénovation démocratique, une réflexion sera menée sur le fonctionnement interne des différentes collectivités territoriales, afin de repenser et limiter le pouvoir des président-e-s d’exécutifs, de diminuer la prime majoritaire et de redéfinir les droits des élu-e-s minoritaires.Pour ce faire, une séparation totale des fonctions exécutives et délibératives sera instaurée, Il s’agit d’une évolution essentielle pour sortir du pouvoir quasi-absolu conféré aux maires et présidents, et de la répartition ambiguë des responsabilités qui l’alimente.  

- Les langues régionales seront défendues. Alors que la plupart des langues “régionales” de France sont en sérieux danger d’extinction selon l’UNESCO, la passivité de l’État vis-à-vis de sa diversité linguistique est condamnable. Depuis 2008, l’article 75-1 de la Constitution reconnaît certes l’existence des langues régionales, mais seulement en tant que « patrimoine », et n’a débouché sur aucune modification législative. L’ambition des écologistes, c’est d’une part de parvenir à une “récupération” linguistique, c’est-à-dire la possibilité du bilinguisme dans tous les secteurs de la vie publique et privée dans les régions historiquement concernées, et d’autre part de permettre aux langues minoritaires parlées par les populations issues de l’immigration et des diasporas d’être transmises en toute dignité à leurs descendants. Pour cela, nous prônons une réforme constitutionnelle permettant la ratification de la Charte européenne des langues régionales et minoritaires, de même que de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales et la possibilité pour toute région de définir sa ou ses langue(s) régionale(s) comme coofficielle(s) avec le français. Une loi sera également votée, établissant un statut stable et ambitieux en termes de moyens mis en œuvre. Les priorités sont le développement des langues régionales dans l’enseignement, les médias et les relations publiques. 

Merci de votre écoute.


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