jeudi 24 mai 2012

L'énergie en partage


L’énergie en partage
par Jean-Claude Pierre (*)
Nos régions de l’Ouest commencent, enfin, à prendre conscience du fait que leur remarquable potentiel d’énergies renouvelables constitue aussi un remarquable gisement d’emplois ! Éolien, « hydrolien », solaire, bois, biomasse… Pourquoi avoir tant attendu pour mettre ces ressources en valeur ? L’une des raisons tient à un fait : le centralisme qui prévaut chez nous n’a pas contribué à favoriser les initiatives qui auraient permis aux régions de valoriser les meilleures composantes de leur « bouquet » d’énergies renouvelables. Et, ce faisant, à notre pays de développer simultanément plusieurs filières. Le recours à une solution unique, destinée à l’ensemble de l’Hexagone, a favorisé le « tout nucléaire». Ce choix, mobilisant l’essentiel des crédits de recherche, n’a pas non plus permis à la France de préparer les alternatives aux énergies fossiles. Nous payons, aujourd’hui, au prix fort, le coût des retards ainsi accumulés dans lamise en oeuvre de la transition énergétique, alors que cette transition offre tant d’opportunités au développement local, à l’innovation sociale, à la créativité… Mais, mieux vaut tard que jamais ! Les récentes décisions sur l’éolien en mer vont dans le bon sens. Souhaitons que notre pays – qui dispose de plus de 5 000 km de linéaire côtier – se fixe rapidement des objectifs comparables à ceux retenus par le Royaume- Uni, le Danemark ou l’Allemagne. Cette dernière, forte de l’expérience acquise dans la mise en service d’un parc éolien terrestre de 30 000 mégawatts, se donne maintenant pour objectif de se doter de 25 000 mégawatts supplémentaires, à partir du potentiel que lui offrent ses 650 km de côtes en mer du Nord et en Baltique. Même si comparaison n’est pas raison, il y a là matière à réflexion. Engager un véritable débat sur l’énergie, c’est aussi poser la question de son financement. Le Danemark, autre pays leader, a ouvert la voie. Plus de 100 000 familles y sont d’ores et déjà actionnaires d’un parc éolien, bénéficiant ainsi des retombées financières. Cette réalité, favorisée par la réglementation, permet de mieux comprendre pourquoi l’acceptabilité sociale de l’éolien y est bien meilleure que chez nous. Le solaire photovoltaïque, parce qu’il se prête particulièrement bien aux solutions décentralisées, offre une chance exceptionnelle de démocratiser la production énergétique et, en assurant la redistribution des plus-values qu’elle génère sur les territoires, de favoriser la relocalisation de l’économie. En Allemagne, la mise en place d’une capacité de production photovoltaïque de l’ordre de 20 000 mégawatts a été portée par la création d’un nombre considérable de coopératives. Ces initiatives prouvent que « la troisième révolution industrielle » (1) dont parle Jérémy Rifkin est d’ores et déjà en marche. Elles illustrent aussi le fait que ce n’est sans doute pas par hasard si les Nations unies ont décidé, tout à la fois, de faire de 2012 « l’année internationale des énergies renouvelables » et « l’année internationale des coopératives ». C’est là, pour nos régions de l’Ouest où l’esprit coopératif est encore bien vivant, une double opportunité d’ouvrir vraiment les débats sur la transition énergétique qui s’avère si nécessaire, tant pour préserver la planète que pour répondre aux fortes attentes sociales qui se font jour.

(1) La troisième révolution industrielle,
éditions LLL, février 2012.
(*) Conseiller économique et
social de Bretagne.
Ouest-France 24/05/2012

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